Un petite lettre...

L'école de sorcellerie de Poudlard, extrêmement célèbre en Grande Bretagne, en Europe, et sûrement ailleurs, était réputée d'une part pour son efficacité et son taux de réussite aux examens officiels, mais aussi pour son entretien irréprochable. Aux yeux de Luna, cependant, l'employé du Ministère aux cernes bleutées et à l'estomac gavé d'un mélange de whisky pur feu et de café - beaucoup d'entre eux correspondaient sans doute à cette description inégalable - qui avait rendue publique cette réputation devait avoir omis de faire un tour par la volière avant de rendre son rapport. Enfin, plus probablement, Dumbledore avait dû tout faire pour empêcher l'inspecteur d'entrer dans la tour ; ce que la jeune Lovegood comprenait sans peine : si en effet le reste du château était impeccable - sauf son propre lit, mais personne ne savait encore que les Nargols avaient envahi son baldaquin -, la Volière elle représentait tout ce qui pouvait faire fuir un être, humain ou non, encore assez digne pour se soucier de l'aspect du lieu qu'il fréquente.

Ces pensées philosophiques ne lui étaient d'aucune utilité majeure, mais avaient au moins le don de distraire Luna, et de l'empêcher de chantonner "Les Ronflaks sont nos amis, il faut les aimer aussi" en sortant du dortoir des filles de Serdaigle. Ce qui constituait un avantage sans bornes : il faisait beau, ce jour là, et si Merlin entendait sa douce voix de crécelle, il se déchaînerait sans doute sur les éléments extérieurs pour qu'elle se taise. Mais passons.

En sautillant dans les couloirs du Cinquième Etage, en direction du seul endroit duquel elle pouvait envoyer une lettre de manière logique, sans monter sur le toit, passer par le Lac ou attacher la missive au sabot d'un Sombral, la jeune, sympathique et rêveuse étudiante se mit à regarder les tableaux disposés tout le long du couloir d'un air comme toujours hébété. Non pas qu'elle fût surprise de quoi que ce soit, mais Luna faisait partie de cette minorité de personnes qui semblent découvrir le monde à chaque inspiration, autrement dit souvent, ce qui avait en tout cas pour avantage de ne jamais la lasser de ce qui l'entourait. Ainsi donc, et pour la vingtième fois en deux jours, elle s'extasia devant la beauté d’une toile représentant un Troll endormi. Rien de bien extraordinaire, bien sûr, aux yeux des autres élèves qui passaient près d'elle en la regardant avec un mélange d'étonnement et de crainte ; mais ce que ceux-là ignoraient sans aucun doute, c'était que le buisson près du monstre devait être infesté d'un nid de Nargols albinos, les plus rares.

Au bout de quelques minutes cependant, et après un vague "Au revoir" à l'adresse du mur, Luna se remit en marche, saluant ici et là quelques-uns de ses camarades - tous ne lui rendaient pas ses signes de la main, mais tel n'était pas le premier de ses soucis -, en pensant que depuis leur voyage commun dans le Poudlard Express, elle n'avait eu aucune nouvelle de Harry Potter. Dommage, d'ailleurs. Il lui était très sympathique, quoique peut être un peu bizarre ; mais cela ne pouvait qu'augmenter le degré d'affection que la jeune Lovegood lui portait.

Elle atteignit la Volière, après avoir monté les marches de l'escalier en colimaçon y menant alternativement quatre à quatre ou deux à deux, et lança un joyeux "Bonsoir !" à l'assemblée. Certes, d'une part, il n'y avait personne, mis à part quelques deux cent hiboux qui la regardaient d'un air contrit, et d'autre part, il était dix heures du matin. Mais enfin, elle les avait salués, non ?

Bien évidemment, ce matin ensoleillé, et bien que fort accueillant par le fait, ne faisait pas exception à la règle : la Volière était maculée de fientes, comme d’habitude. Et sans vraiment s’en apercevoir, Luna les écrasait allègrement, en avançant pour atteindre l’endroit où les hiboux de l’ école étaient perchés. La veille, avant de s’endormir, et en s’éclairant à l’aide de sa baguette magique comme toujours méticuleusement coincée derrière son oreille, la jeune et sympathique Lovegood avait pris le parti d’écrire à son père. Une lettre on ne pouvait plus enrichissante, comme de juste :

Cher Papa,

J’ai bien peur que les Nargols s’en soient encore pris à mon oreiller. J’ai retrouvé des plumes roses dedans, je crois que c’est une de leurs farces, mais mon matelas est trop lourd pour que je puisse trouver leur nid. Ici, tout va bien, je crois que Dumbledore cache un Enormus dans son placard, mais je n’ose pas aller lui en parler ; si jamais il s’agit d’autre chose, il pourrait le prendre mal, non ?
J’ai croisé Harry Potter dans le train, il est très gentil, et Cerbère fait vraiment tache à côté de sa chouette.
Hier, j’ai cassé une de mes boucles d’oreilles en forme de radis, mais je l’ai réparée – enfin, je crois : elle a émis un couinement sonore quand je l’ai mise ce matin, je pense qu’elle voulait me dire quelque chose, mais va savoir quoi…

Je rentrerai sûrement à la maison pour Noël, note que c’est un peu tôt pour en parler, mais en fait l’inspiration me fait défaut.

A bientôt, j’ai hâte de te montrer mon nouveau bracelet en capsules de bièraubeurre !

Luna.


En attachant sa missive à la patte d’une grande chouette effraie, quoique légèrement déplumée au sommet du crâne, Luna se récita une énième fois le contenu de sa lettre à voix haute. Eh bien quoi, elle était très bien !